A trop pointer du doigt la consommation excessive de produits phytosanitaires par l’agriculture conventionnelle, les jardiniers amateurs ont tendance à oublier un peu vite que leur part dans la pollution des sols n’est pas négligeable. Il est temps de prendre conscience que les pratiques doivent changer… et vite.
En 2010, la France était le quatrième consommateur au monde de pesticides, et le leader incontesté en Europe avec plus de 61900 tonnes de produits utilisés. Déjà en 2007, l’Institut Français de L’Environnement (IFEN)1 relevait dans une étude que près de 60 % de nos nappes phréatiques et 90 % de nos cours d’eau étaient contaminés par des produits pesticides. 80 % des échantillons d’eau superficielle révélaient la présence d’au moins une molécule chimique. Au total, plus de cent substances actives ont été identifiées après analyse dans les cours d’eau français. Il faut dire qu’en moyenne, on estime que lors d’un épandage par pulvérisation, du fait de la finesse extrême des gouttelettes, plus de 50 % du produit se volatilisent dans l’air au lieu d’atteindre sa cible.
Adepte de la maxime, « plus j’en mets, plus ce sera efficace », les jardiniers ont la vilaine tendance à surdoser excessivement leur préparation de produits phytosanitaires. Ce qui amène à cette étrange équation : si 10 % des produits pesticides sont utilisés par les jardiniers amateurs, ils sont responsables de plus de 30 % de la pollution des eaux. Les conseils de dosage indiqués sur les étiquettes sont pourtant savamment étudiés pour être efficaces, d’autant plus que si les fabricants pouvaient nous inciter à doser plus, ils le feraient volontiers.
Les désherbants sont parmi les produits les plus utilisés et ne constituent pas moins d’un tiers de la pollution aquatique. Ce n’est pas difficile à comprendre étant donné que l’usage qui en est fait consiste le plus souvent en une application sur une surface paradoxalement peu envahie par les herbes (allée, chemin, joints de terrasse). La grande majorité du produit n’est donc pas absorbée par les plantes, et reste en surface, avant d’être emportée par les pluies et dirigée vers les circuits d’écoulement des eaux pluviales.
Enfin, il est aisé de comprendre que la pollution est d’autant plus dangereuse que, dans les jardins, surtout quand les parcelles sont petites comme dans les zones péri-urbaines, les produits sont épandus au plus près des populations.
Article en relation: Le paillis minéral, une alternative aux desherbants
S’il n’y avait que celui qui manipule le produit qui était intoxiqué, on pourrait encore se dire que c’est tant pis pour lui. Mais il y a aussi les « fumeurs passifs » que nous sommes tous, citoyens jardiniers ou pas, et qui accumulons dans le corps ces substances toxiques. Et puis les pesticides menacent aussi et surtout la biodiversité, de manière directe et indirecte. Ainsi les insecticides tuent-ils aveuglément tous les insectes à portée d’émanation, qu’ils soient bons ou mauvais, ravageurs ou auxiliaires, les butineurs comme les papillons ou les régulateurs comme les chrysopes. A une autre échelle, les reptiles, amphibiens, oiseaux et mammifères, qui se situent plus haut dans la chaine alimentaire, sont victimes de bioaccumulation dangereuse de ces produits toxiques, par ingestion de proies intoxiquées et par consommation d’eau polluée.
Article en relation: Une alternative aux pesticides, les nématodes
Il suffit d’un gramme de pesticide pour polluer 10 km de fossé ou 10000 m3 d’eau. C’est pourquoi un arrêté interministériel du 12.09.2006 interdit l’utilisation de pesticides à moins de 5 m d’un cours d’eau ou d’un plan d’eau. De même il est interdit de traiter, aux désherbants notamment, les fossés de voirie (même à sec) les avaloirs, les caniveaux et les bouches d’égout. Mais qui le sait ?
Article en relation: Une erreur à ne pas commettre : propager le desherbant
1 - Les pesticides dans les eaux, IFEN, 2007