Les fruits d'hiver astringents : mûr ne veut pas dire bon

Dans le jardin, quelques rares fruits doivent être cueillis blets afin de pouvoir être mangés. C’est en effet l’action du gel ou d’un long murissement, qui transforme leur chair et les rend finalement comestibles. Ceci en fait des fruits à récolter en plein hiver, ce qui n’est pas courant, mais, avouons-le, fort réjouissant.

 

Message à l’attention des jeunes lecteurs : s’il est vrai que certains fruits peuvent avoir besoin du gel pour devenir blets et consommables, il ne faudrait pas pour autant en tirer des conclusions trop hâtives. D’une part, non, votre crème de fixation capillaire ne sera d’aucun effet si vous l’appliquez sur un fruit immature. D’autre part, non, vos cheveux ne vont pas blettir à force d’y passer du gel et vous ne pourrez donc pas les manger. Il était sans doute important de le préciser.

 

Les fruits astringents : mûrs mais pas encore bons

Il existe une catégorie de fruits qui sont impropres à la consommation humaine lorsqu’ils sont pourtant devenus mûrs. Leur chair reste non comestible car beaucoup trop astringente, tant que le fruit n’a pas dépassé le stade du murissement et basculé dans celui du blettissement. Le gel, joue souvent un rôle accélérateur dans ce processus, en rendant les fruits consommables avant qu’ils ne soient physiologiquement blets. Cependant, la sur-maturation naturelle, certes plus lente, mène au même résultat.

 

L'astringence des fruits, une réaction mécanique

Quand on dit que ces fruits ne sont pas comestibles avant blettissement, soyons précis, cela ne veut pas dire qu’ils sont toxiques ou dangereux, mais plutôt qu’ils sont littéralement immangeables. En effet, ils sont très astringents, ce qui les rend, insupportables en bouche. L’astringence est une réaction induite par les tannins contenus dans les fruits lorsqu’ils entrent en contact avec l’amylase, une protéine secrétée par la salive. Il en résulte des crispations des muqueuses de la langue et de l’intérieur des joues, provoquant une sensation très désagréable de dessèchement et de picotements. L’astringence est une sensation mécanique, et non une saveur détectée par les papilles, telle que l’amertume avec laquelle elle est parfois confondue.

 

Le kaki, roi des fruits à cueillir blet

Le plus connu des fruits à consommer blet est le kaki (Diospyros kaki), que l’on cueille sur le plaqueminier à partir des mois de novembre ou décembre, et parfois plus tard, si possible après un coup de gel. Pour être consommable, sa chair doit devenir molle, au point d’être obligé de la consommer avec une petite cuiller. Cependant, il existe des variétés de kaki non astringents, que l’on peut croquer à maturité normale, comme des pommes. Mais bien qu'ils puissent être mangés à maturité, ils sont plus sucrés et plus savoureux lorsqu'ils sont consommés blets.

 

Les petits fruits astringents

Parmi les autres candidats au blettissement, citons les fruits du néflier commun (Mespilus germanica), à la floraison magnifique mais éphémère et aux petits fruits dorés très décoratifs en hiver quand les feuilles sont tombées. A ne pas confondre avec le néflier du Japon (Eriobotrya japonica) que l'on rencontre souvent dans le Sud de la France, qui fleurit en fin d’hiver et fructifie en mai. Le sorbier des oiseaux (Sorbus domestica) ou cormier, dont les variétés à gros fruits, autrefois très prisées, sont aujourd’hui tombées en désuétude. Les sorbes ont pourtant de grandes qualités gustatives. Deux variétés d’éléagnus, un arbre, l’olivier de bohème (Eleagnus angustifolia) et un arbuste, le goumi du Japon (Eleagnus multiflora) produisent des petites baies sucrées à consommer blettes.

 

Petit coup de pouce contre l'astringence

La mise au congélateur de tous ces fruits pendant quarante-huit heures devrait donner, en toute logique, le même effet qu’un coup de gel naturel. Ce n'est pas toujours le cas, et il y a parfois des pertes de goût après cette opération extrème. Néanmoins cette astuce permet d’étaler les récoltes en rendant consommable des fruits mûrs mais pas encore blets, tandis que les autres, encore astringents, peuvent rester en réserve dans l’arbre et n'être cueillis que plus tard.

 

Des fruits blets mais pas pourris

Attention ! Blettissement ne veut pas dire pourrissement, et il est bien entendu que tous ces fruits, une fois passé un stade trop avancé ne sont plus comestibles.

 

Les fruits d'hiver astringents, le point de vue Provençal

En Provence, il peut arriver que les premières gelées suffisamment importantes pour modifier la chair des fruits surviennent un peu tard en saison. Ceci n'empêche pourtant pas les fruits dont nous venons de parler de blettir et de perdre leur astringence naturellement, au bout d'un certain temps, prouvant ainsi que le gel n'est pas la condition sine qua none au bletissement, mais un simple accélarateur. Par ailleurs, ajoutons que deux autres fruits astringents peuvent être mentionnés dans un cadre local. D'abord la prunille, qui pousse sur les prunelliers sauvages que l'on rencontre un peu partout dans les collines et sur les talus. Ces petits buissons munis d'épines acérées produisent des mini prunes (1 cm de diamètre max) au noyau démesurément grand par rapport à la taille de la baie. Immangeables à défaut d'être blettes, les prunilles servent notamment à confectionner des desserts. Ensuite, en bons provençaux que vous êtes, élevés à l'huile d'olive, vous n'êtes pas sans savoir que les olives ont un meilleur rendement sous la meule du moulin lorsqu'elles ont subit avant la récolte une petite gelée.

 

Pour aller plus loin :

Le kaki-pomme, un kaki non astringent

 

 

Retour aux articles de jardinage

Faites entretenir votre jardin par Bio Jardin Services : Nos prestations

 

Les fruits astringents

 

Kaki

Kaki blet

Image: parmanseok Kim-Pixabay / CC-BY

 

 

Nèfle

Nèfle commune

Image: Marc Pascual-Pixabay / CC BY-SA

 

 

Sorbe

Sorbe

Image: Marc Pascual-Pixabay / CC BY-NC-ND

 

Goumi du Japon

Goumi du Japon

Image: Tatters-Foter / CC BY-NC