En semant sous châssis, le jardinier se joue de l’hiver pour hâter ses cultures et récolter des légumes primeurs. C’est un peu de la triche, certes, mais c’est pour la bonne cause…
Chuuuuut ! Faites un peu moins de bruit, car en ce plein cœur d’hiver, les graines sont en dormance et attendent pour germer des températures plus clémentes. Que les ardents semeurs retiennent donc encore un peu leur geste auguste. A moins que, petit filous qu’ils sont, ils ne se lancent dans les semis sous châssis pour ré-hausser artificiellement les températures. Oh, pas de grand–chose, juste de quoi provoquer la germination des graines les moins frileuses, avec à la clef, des récoltes anticipées. A charge pour eux ensuite de bien mener ces cultures délicates jusqu’à leur terme. Car « tricher (…) sans gagner est d’un sot ! » Ainsi parlait Voltaire, et il n’avait pas tort.
Le châssis est un coffre sans fond, généralement en bois, recouvert d’une ouverture transparente, en plastique ou en verre. Le cadre isole du froid extérieur, et le vitrage laisse passer la lumière réchauffante du soleil. Le substrat utilisé doit être fin et léger, pour favoriser la germination, et sombre afin de retenir la chaleur du soleil. Un mélange de terreau, de compost et de sable est parfait. Les châssis se placent face au sud, pour bénéficier d’un ensoleillement maximum, si possible au pied d’un mur qui restituera pendant la nuit la chaleur accumulée dans la journée.
Pour permettre une ouverture fréquente et aisée, les panneaux transparents sont montés sur charnières et s’ouvrent comme des fenêtres. Pour faciliter l’accès jusqu’au fond, une profondeur de 70 cm est suffisante, en particulier s’il est adossé à un mur et que l’accès par l’arrière n’est donc pas possible. Pour garantir un ensoleillement homogène de tout l’intérieur, le panneau avant, (20 cm de haut) situé face au sud doit être plus bas que le panneau arrière (40 cm). On peut, pour augmenter le rayonnement de la lumière étaler le substrat de la même manière, en légère pente vers l’avant.
Mener une culture sous châssis nécessite une attention quotidienne pour trouver l’équilibre précaire entre la lumière, l’air, la chaleur et l’humidité. Ainsi il est important d’aérer pour assainir l’atmosphère ambiante, surtout lorsque le temps est humide. De même, lorsque des périodes de gel intense sont prévues, mieux vaut couvrir le châssis d’un couvert isolant. On le retire au matin, quand le soleil apparaît, et on le remet quand la nuit tombe. Les arrosages, en hiver, sont à limiter à la stricte ré-humidification du substrat qui s’assèche.
Les semis qui peuvent s’effectuer dès la mi-janvier concernent les légumes capables de germer à des températures du sol inférieures à 10 °C, soit le plus souvent les variétés précoces de carotte, de navet, de radis, de laitue d’hiver ou d’épinard. Ces semis se font directement dans le châssis pour des récoltes en primeur. Plus tard, celui-ci continuera de servir pour les semis directs et anticipés de légumes plus frileux, mais aussi pour mettre à l’abri des semis en godet à repiquer ultérieurement, ou bien à l’inverse, permettre des semis tardifs d’arrière-saison. Et qui sait si l’an prochain, aguiché par une expérience réussie, le jardinier triomphant ne voudra pas se frotter avec les semis en châssis sur couches sourdes et, plus fort encore, sur couches chaudes.