Dans un sol adapté et sous un climat clément, il est possible de cultiver un arbre truffier dans son jardin. Et pourquoi pas, de récolter d’ici quelques années, de forts précieux cadeaux de Noël.
Comme Tata Simone qui fait ses délicieuses tartes avec les framboises du jardin, si vous plantez un arbre truffier, un beau jour peut-être vous pourrez dire à vos invités, médusés par les succulentes saveurs de votre dinde fourrée aux truffes : « elles viennent du jardin ! ». Comble du raffinement et succès garanti…
La truffe est le résultat d’une relation symbiotique qui s’installe entre le système racinaire d’une plante et des champignons du sol qui le colonisent. La collaboration étroite entre l'arbre et le champignon aboutit à la formation de mycorhizes, où racine et mycélium se mélangent en se pénétrant l'un l'autre. On peut distinguer sa présence à l'oeil nu quand on observe autour des racines des filaments bancs et des petites nodosités sur les radicelles. En échange des sucres produits par la photosynthèse et dont il se nourrit, le champignon permet à la plante d’optimiser ses capacités d’exploitation des ressources du sol. Le développement du mycélium qui peut se faufiler dans les microscopiques anfractuosités du sol bien au-delà de ce dont sont capables les racines, permet à l'arbre de bénéficier d'eau et de nutriments qu'il n'aurait pas été capable d'aller chercher par lui-même. Exemple parfait et célèbre de mycorhize, la truffe est un ascomycète ectomycorhizien, un organe constitué à la fois par l’arbre et le champignon, fruit précieux d’un échange de bons procédés. Les mycorhises ne sont pas propres aux arbres truffiers, mais la truffe est sont sans doute la plus emblématique de toutes.
Pour se développer, la truffe a besoin d’un sol calcaire (le pH optimal tournant autour de 8), drainant, (donc grumeleux et caillouteux) et relativement pauvre en matières organiques. Elle a également besoin de conditions climatiques marquées, avec des chaleurs en été, et du froid (relatif) en hiver ce qui exclut les climats méditérranéens purs (littoral), océaniques et trop continentaux. Enfin ,elle pousse à faible profondeur (1 à 20 cm) exclusivement au pied de certains arbres. En résumé, pour cultiver la truffe, il faut le bon climat, le bon sol et le bon arbre. Deux variétés principales peuvent être cultivées un peu partout en France dès lors que les caractéristiques du sol et du climat le permettent. La truffe du Périgord, Tuber melanosporum, au parfum fort et puissant est LA truffe reine. Sensible au froid car peu profonde, elle se récolte de décembre à mars. Elle a besoin de chaleur en été ce qui la confine aux régions du sud. La truffe de Bourgogne, Tuber uncinatum, aux saveurs fines de sous-bois et de noisette n'est pas sujette au froid puisqu’on la récolte avant les grosses gelées, de septembre à novembre. C’est la truffe des régions du nord. Il existe d'autres espèces de truffes : truffe d'été ou de St Jean (Tuber aestivum) à la chair blanche, qui arrive à maturité entre mai et septembre mais dont le parfum est peu marqué. La truffe de Lorraine (Tuber mesentericum) peu connue, mais excellente qui arrive à maturité de septembre à décembre.
Quel que soit la variété choisie, il est impératif de se procurer des plants mycorhizés (certifiés par l'INRA) auprès de pépiniéristes spécialisés , sur lesquels ont été inoculés des spores. Plusieurs essences se prêtent à la trufficulture, les plus courantes étant, selon le climat régional, le chêne pubescent (mais aussi rouvre, sessile et pédonculé), le chêne vert et le noisetier. Mais d'autres arbres se prêtent également à la trufficulture, et il faut avoir l'intelligence de ne pas les négliger selon les conditions de culture que l'on rencontre dans son jardin : pin noir d'Autriche, tilleul, charme, hêtre, cèdre de l'Atlas... A la plantation, si le sol est trop argileux, prévoyez de mélanger à la terre des graviers afin de faciliter le drainage. Evitez absolument l’utilisation de terreau, souvent acide et porteur de champignons pathogènes. Afin de faciliter le développement des radicelles où s’implantera le mycélium, il est important de décompacter le sol jusqu’ à 2 m autour du trou et sur plusieurs dizaines de centimètres de profondeur. Pour cela, l’utilisation d’une grelinette est idéale.
Les premières années, il est important de continuer régulièrement le travail de décompactage et d’éliminer toute concurrence racinaire par un désherbage attentif. L’éclaircissage régulier des arbres truffiers, en particulier par la taille des branches basses est nécessaire pour maintenir l’ensoleillement et le réchauffement du sol en hiver. A partir du mois de mai, quand les truffettes sont susceptibles d’apparaitre, on évite le travail autour des arbres et les dépacements inutiles, pour limiter le tassement. Les premières truffes apparaissent généralement au bout de 5 à 8 ans. Elles nécessitent un arrosage en cas de sécheresse estivale, non pas tant pour irriguer l’arbre que pour maintenir une humidité du sol propice au développement des truffes. Pour la récolte, si vous avez un chien, en l’échange de quelques croquettes, il est possible de le dresser à repérer l’odeur si caractéristique du champignon. L'utilisation d'une truie est un peu plus contraignante. Sinon, apprenez à reconnaitre la mouche Suila gigantea, au vol balourd et malhabile, qui, durant l’hiver, se pose à l’emplacement des truffes pour y pondre ses œufs.
En France, la production de truffe s'est effondrée en 100 ans, passant de 1000 tonnes de truffes récoltées au début du XXème siècle à environ 40 tonnes au début du XXIème. C'est la disparition des truffières naturelles dans les sous-bois, causée par la disparition des petits métiers de l'entretien de la forêt (agro-pastoralisme, bucheronnage artisanal, fagotage...) qui contribuaient à maintenir l'entrée de la lumière à travers les branchages éclarcis. Aujourd'hui, la production ne passe quasi exclusivement que par les exploitations trufficoles. Cinq région assurent la grande majorité de la production française, en truffes noires et de Bourgogne : la Nouvelle Aquitaine , l'Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, et Centre-Val-de-Loire. Dans les truffières à truffe noire, on installe environ 400 arbres à l'hectare, espacés les uns des autres de cinq mètres en tous sens. POur les truffes de Bourgogne et d'été, les espacements peuvent être un peu réduits (5m entre les rangs, pour 3 à 4 m entre les arbres). Les trufficulteurs comptent sur un rendement de 5 à 30 kg par hectare, selon la fertilité du sol. Restez calme, obtenir de telles récoltes necessite un sacré savoir-faire.
L'arrière-pays méditérranéen est à l'origine, l'une des terres de prédilecion de la truffe noire car les conditions climatiques et pédologiques (caractéristiques du sol) y sont idéales. Cependant, à cause du réchauffement climatique, cette zone géographique favorable est remontée vers le nord, notamment vers la Drôme, l'Ardêche et le Vaucluse. Les truffières naturelles du sud de la France ont terriblement souffert du manque d'eau durant la saison estivale ce qui a causé leur disparition quasi totale. Il n'est désormais plus envisageable de cultiver la truffe dans l'arrière-pays méditérranéen sans prévoir l'installation d'un système d'irrigation capable d'envoyer toutes les trois semaines 80 mm d'eau par mètre carré entre la fin juin et le début du mois de septembre, voire plus longtemps selon les années. Vous êtes prévenus. Evidemment dans notre région, les arbres les plus indiqués sont le chêne vert et le chêne pubescent bien que le destin de ce dernier soit d'être de plus en plus malmené par les conséquences du réchauffement climatique.
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La truffe noire - (Image: WikiImages-Pixabay)
La truffe de Bourgogne - (Image: Mrdidg-Pixabay)
La récolte de la truffe est appelée cavage - (Image: CouleurLavande-Foter - CC BY-ND)
Soyez vigilant lors du cavage, ne vous trompez pas de truffe, ça peut faire mal ! - (Image: Jessie Romaneixon-Foter.com - CC BY-NC-ND)